RDC : Joseph Kabila condamné à mort, un verdict historique rendu par contumace

La Haute Cour militaire de la République démocratique du Congo (RDC) a condamné, ce mardi 30 septembre 2025 l’ancien président Joseph Kabila à la peine de mort pour trahison et participation à un mouvement insurrectionnel. Cette décision historique a été rendue à l’issue d’un procès marqué par de nombreuses tensions politiques et judiciaires.

Le jugement a été prononcé par contumace, Joseph Kabila ayant choisi de ne pas comparaître. Dans une déclaration antérieure, il avait affirmé se trouver en exil, sans révéler sa localisation exacte. La Cour n’a retenu aucune circonstance atténuante et a estimé que les faits étaient « d’une gravité exceptionnelle » pour la sécurité nationale et l’unité du pays.

Le ministère public avait requis la peine capitale dès le 22 août. Le 12 septembre, la défense de l’ancien président avait demandé la présentation de nouvelles preuves ainsi que l’audition de témoins supplémentaires, une requête finalement rejetée par la Haute Cour militaire. Le prononcé de la peine, initialement prévu pour le 19 septembre, avait été reporté à deux reprises avant d’être rendu ce 30 septembre.

Dans sa décision, la Cour a épousé les arguments du ministère public. Elle affirme que Joseph Kabila aurait tenu à Goma et à Bukavu de véritables réunions d’état-major pour coordonner des opérations militaires menées par des groupes rebelles. Il lui est également reproché d’avoir effectué des inspections dans des centres d’instruction de combattants de l’AFC/M23 et d’avoir exercé un rôle de commandement au sein de différentes rébellions depuis la mutinerie de Mutebusi au début des années 2000. La Cour le qualifie de « chef incontesté de la coalition AFC/M23 », estimant qu’il a joué un rôle central dans la déstabilisation de l’est du pays.

La question de sa nationalité a aussi été évoquée lors des audiences. Certaines parties civiles ont soutenu que Joseph Kabila serait de nationalité rwandaise, remettant en cause sa légitimité passée à diriger le pays. La Cour s’est toutefois déclarée incompétente pour statuer sur ce point sensible, renvoyant la question au gouvernement et précisant qu’elle ne jugeait que « la personne et les faits » dans le cadre de ce procès.

Sur le plan patrimonial, l’auditeur général des FARDC avait demandé la mise sous séquestre des biens de l’ancien président. Cette requête a été rejetée par la Haute Cour militaire, qui a estimé qu’elle ne relevait pas de sa compétence directe dans ce dossier. Joseph Kabila a toutefois été condamné à verser des dommages et intérêts évalués à environ 33 milliards de dollars américains à l’État congolais, aux provinces de l’est du pays ainsi qu’aux victimes des conflits armés liés aux faits qui lui sont reprochés.

La condamnation de Joseph Kabila constitue un tournant sans précédent dans l’histoire politique et judiciaire de la RDC. Jamais un ancien chef de l’État n’avait été condamné à la peine capitale. Pour de nombreux observateurs, cette décision illustre la volonté du pouvoir en place d’affirmer l’autorité de la justice militaire face aux crimes politiques et sécuritaires passés. D’autres y voient toutefois une procédure éminemment politique, destinée à écarter une figure encore influente de la scène nationale.

Les partisans de l’ancien président dénoncent un procès « expéditif » et « instrumentalisé », pointant l’absence de l’accusé, le rejet de certaines requêtes de la défense et la difficulté d’assurer une véritable confrontation des preuves. À l’inverse, certaines organisations de la société civile saluent une décision « courageuse » et « nécessaire » pour briser l’impunité qui a longtemps entouré les responsables politiques impliqués dans des violences armées.

Des incertitudes demeurent quant à la suite de cette affaire. La RDC avait maintenu pendant plusieurs années un moratoire sur l’exécution des peines capitales, avant de le lever récemment. On ignore encore si la sentence pourra être exécutée dans les conditions actuelles. La défense pourrait introduire un recours devant la Cour de cassation, ce qui ouvrirait une nouvelle phase judiciaire complexe.

Cette condamnation intervient dans un contexte sécuritaire et politique particulièrement tendu, alors que l’est de la RDC reste marqué par la présence de nombreux groupes armés. Elle pourrait avoir des répercussions importantes sur l’équilibre des forces politiques, notamment au sein de la classe dirigeante et parmi les anciens proches de Kabila, qui conservent encore une influence.

 

 

Agnelle Mola